Machiavel dans The Walking Dead : le pouvoir zombie-style.
Entre tripes, trahisons et leadership tendu, The Walking Dead pose une vraie question : c’est qui, le boss quand le monde crame ? Rick, Negan, Pamela… chacun son style, mais tous…
Entre tripes, trahisons et leadership tendu, The Walking Dead pose une vraie question : c’est qui, le boss quand le monde crame ? Rick, Negan, Pamela… chacun son style, mais tous semblent avoir lu Le Prince sous la couette. Pourquoi ce sujet vaut-il le détour ? Parce que TWD, c’est moins des zombies que des leçons de pouvoir en charpie.
Dans l’univers post-apocalyptique de The Walking Dead, les morts-vivants ne sont finalement que le décor. Le vrai spectacle, c’est la lutte pour le pouvoir entre les survivants. Et là, mes chers geeks, on nage en plein dans les eaux troubles de Machiavel. Quand la civilisation s’effondre, quand les codes moraux partent en fumée avec le reste du monde, comment gouverner ? Comment maintenir l’ordre sans devenir soi-même un monstre ? Frank Darabont et ses successeurs nous balancent une masterclass de philosophie politique déguisée en série zombie.
« Gouverner ou crever » : quand l’apocalypse révèle les vrais princes
Niccolò Machiavel, ce génie de la Renaissance, avait tout pigé bien avant que les zombies deviennent mainstream. Dans son chef-d’œuvre Le Prince, il pose une question aussi simple que brutale : vaut-il mieux être aimé ou craint ? Dans The Walking Dead, cette interrogation prend une dimension carrément viscérale. Parce que quand les rôdeurs débarquent pour le dîner, la popularité, ça ne nourrit pas son homme.
La série nous présente une galerie de leaders fascinante, chacun incarnant une facette différente de la pensée machiavélienne. Rick Grimes, Negan, Pamela Milton… tous dansent sur la corde raide entre humanité et nécessité. Comme le souligne l’analyse philosophique du personnage de Rick, dès le début de la série, ce dernier « se veut le gardien d’une certaine éthique » mais se retrouve « confronté à des dilemmes éthiques qui révèlent la fragilité des principes qui régissent nos vies civilisées ».
Rick Grimes : le prince réticent qui apprend sur le tas
Rick, c’est le mec qu’on aimerait avoir comme pote dans la vraie vie, mais qui devient flippant quand il faut prendre les décisions qui fâchent. Au début, notre ancien shérif du comté de King incarne le leader moral par excellence. Sauf que Machiavel l’avait prédit : « Un prince qui veut se maintenir doit apprendre à pouvoir n’être pas bon ». Et Rick, il va l’apprendre à ses dépens.
L’évolution du personnage suit une trajectoire machiavélienne quasi parfaite. Parti avec ses grands principes de flic, Rick comprend vite que dans ce nouveau monde, la morale classique, c’est du suicide collectif. Quand il tue Shane, son ancien partenaire et meilleur ami, il franchit le Rubicon. Ce moment-là, c’est son « power move » définitif, sa transformation d’homme bon en leader pragmatique.
Machiavel disait qu’un prince doit savoir « user de la bête et de l’homme ». Rick maîtrise cette dualité comme un chef. Face aux humains, il négocie, argumente, cherche le compromis. Face aux menaces existentielles – qu’elles soient zombies ou humaines hostiles – il sort les crocs. Sa fameuse phrase « We are the walking dead » résonne comme un mantra machiavélien : accepter sa propre monstruosité pour préserver ce qui compte vraiment.
Negan : la peur plutôt que l’amour, version baseball bat
Alors là, on touche au jackpot du machiavélisme pur jus. Negan, c’est Machiavel avec une batte cloutée et un sourire de serial killer. Le mec a visiblement potassé Le Prince et retenu la leçon principale : « Il vaut beaucoup mieux être craint qu’aimé ». Et niveau mise en pratique, chapeau l’artiste.
Sa philosophie ? Simple et efficace. Dans son « outlook machiavélique sur le nouveau monde« , Negan avait « deux choix : devenir le leader qui gouverne d’une main de fer, ou succomber au chaos ». Il a choisi son camp, et Lucille (sa batte adorée) fait le reste. Chaque coup de cette arme devient un acte politique, une démonstration de force calculée pour maintenir l’ordre par la terreur.
Le génie diabolique de Negan, c’est qu’il transforme la violence en spectacle. Ses exécutions publiques, ses rituels humiliants, ses discours grandiloquents… tout ça, c’est du pur Machiavel 2.0. Il comprend qu’en post-apocalypse, l’image du pouvoir compte autant que le pouvoir lui-même. Ses victimes deviennent des exemples, ses suiveurs des témoins de sa puissance. Terrifiant d’efficacité.
Pamela Milton : la façade politique façon Renaissance
Avec Pamela Milton et sa Commonwealth, TWD nous offre une variation plus subtile sur le thème machiavélien. Ici, on quitte la brutalité frontale pour retrouver les manœuvres de cour chères à la Renaissance. Pamela, c’est la dirigeante qui a compris que parfois, il vaut mieux garder les apparences de la démocratie tout en tirant les ficelles dans l’ombre.
Sa stratégie ? Recréer l’illusion de l’ancien monde, avec ses classes sociales, ses privilèges, ses inégalités bien huilées. Pendant que Negan gouverne par la peur brute, Pamela manipule par la nostalgie et l’espoir. Elle offre à ses sujets ce qu’ils croient vouloir : un retour à la « normalité« . Sauf que cette normalité, elle la contrôle de bout en bout.
Cette approche reflète parfaitement la pensée machiavélienne selon laquelle « les hommes jugent généralement plus par les yeux que par les mains ». Pamela mise tout sur l’apparence, sur la mise en scène du pouvoir. Ses uniformes impeccables, ses réceptions mondaines, sa rhétorique lisse… tout concourt à masquer la réalité brutale de sa domination.
Le dilemme moral : rester humain ou assurer la survie ?
Au cœur de The Walking Dead se niche une question philosophique majeure que Machiavel avait déjà explorée : peut-on gouverner efficacement tout en restant moralement irréprochable ? La série répond avec une franchise brutale : non, pas vraiment.
Chaque leader de TWD illustre un compromis différent entre efficacité et éthique. Rick essaie de préserver son humanité tout en prenant les décisions difficiles. Negan assume pleinement sa monstruosité au service d’un ordre qu’il juge nécessaire. Pamela cache sa cruauté derrière un vernis de respectabilité bourgeoise. Tous, à leur manière, valident la thèse machiavélienne selon laquelle « la fin justifie les moyens » – même si cette fin, c’est simplement survivre un jour de plus.
La série pousse cette logique jusqu’à son paroxysme en montrant que même les « gentils » finissent par adopter des méthodes discutables. Comme le note une analyse du personnage, « ce qui sépare ‘nous’ d’eux dans les récits de zombies, c’est toujours seulement le type de violence utilisé »1. Dans ce monde où la mort rôde en permanence, la frontière entre civilisation et barbarie s’estompe jusqu’à disparaître.
Gouverner les morts-vivants, c’est gouverner les vivants
The Walking Dead nous offre finalement une leçon de réalpolitik déguisée en divertissement zombie. Derrière les têtes qui explosent et les tripes qui giclent se cache une réflexion profonde sur la nature du pouvoir et les compromis nécessaires au leadership en temps de crise. Rick, Negan, Pamela… chacun incarne une facette différente du prince machiavélien, chacun nous force à questionner nos propres convictions morales.
Dans TWD, survivre, c’est pas fuir les zombies, c’est savoir les gouverner. À la Machiavel, batte à la main.
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