L’apocalypse selon Godzilla : 70 ans de chaos

L’apocalypse selon Godzilla, c’est 70 ans de fureur et de symboles. De monstre nucléaire à icône écolo, plongez dans l’évolution du plus grand mythe destructeur du cinéma.

Pourquoi cette œuvre vaut-elle le détour ? Parce que Godzilla est bien plus qu’un simple monstre. C’est le miroir radioactif de nos peurs collectives, de la bombe atomique à l’effondrement écologique. Chaque film est un sismographe de son époque, une claque visuelle et philosophique qui nous interroge sur notre propre monstruosité. 💥


Salut les survivants du pop-corn et les afficionados de la fin du monde ! Aujourd’hui, on s’attaque à un poids lourd. Un véritable legacy monster qui a traversé les âges sans jamais vraiment perdre de sa superbe (ni de son tour de taille). Je veux bien sûr parler de Gojira, notre cher Godzilla. Soixante-dix ans qu’il redécore nos paysages urbains à grands coups de baffes atomiques et de regards qui en disent long. Oubliez les zombies, les pandémies ou les astéroïdes. L’apocalypse, la vraie, la stylée, elle a des écailles et un souffle qui sent le nucléaire. Alors, on rembobine la cassette jusqu’en 1954 et on se fait une petite traversée du siècle en compagnie du plus grand démolisseur que le cinéma ait jamais porté. Attachez vos ceintures, ça va secouer.

Atomic Origins ☢️ : Le cri primal d’une nation

Remettons les pendules à l’heure. En 1954, quand le premier Gojira d’Ishirō Honda déboule sur les écrans japonais, personne n’est là pour rigoler. Le film est en noir et blanc, l’ambiance est poisseuse, presque funèbre. On est à peine neuf ans après Hiroshima et Nagasaki, et le Japon vit encore dans le traumatisme de la bombe. Godzilla, ce n’est pas un délire de SF pour ados. C’est l’incarnation d’une peur viscérale, la métaphore à peine voilée de l’arme nucléaire. Sa peau, texturée pour rappeler les cicatrices chéloïdes des survivants, son cri, mélange de sons distordus, tout en lui transpire la souffrance et la destruction aveugle. C’est une force de la nature vengeresse, réveillée par l’arrogance des hommes. Un spectre atomique qui vient rappeler à l’humanité qu’elle a ouvert une boîte de Pandore technologique qu’elle ne maîtrise absolument pas. Le premier raz-de-marée symbolique était lancé.

D’ailleurs, ce premier opus est moins un film de monstre qu’un film de guerre, ou plutôt, d’après-guerre. Les scènes de panique, les hôpitaux de fortune débordés, les compteurs Geiger qui s’affolent… tout ça, c’était le quotidien des Japonais quelques années plus tôt. Honda ne filme pas un kaiju, il filme un trauma national. Le monstre est presque secondaire ; ce qui compte, c’est la réaction des humains face à l’inconcevable, cette fatalité qui s’abat sur eux sans crier gare. Godzilla est une anomalie, une sorte d’entité quasi divine, née de nos propres péchés scientifiques. La seule solution pour le vaincre ? Une autre arme de destruction massive, le « Destructeur d’Oxygène« , qui tue son inventeur, mort de honte d’avoir créé une horreur pareille. La boucle est bouclée, amère et sans véritable victoire.

King of the World 👑 : La starification du chaos

Puis, comme toute bonne tragédie, le mythe a été digéré, presque banalisé. Pendant l’ère Shōwa (1954-1975), Godzilla passe de menace existentielle à… protecteur de la Terre. Ouais, vous avez bien lu. Le voilà qui se tape contre des aliens, des robots géants et autres bestioles improbables comme King Ghidorah ou Gigan. On est en pleine Guerre Froide, le Japon connaît un boom économique, et le public a besoin de spectacle, pas d’introspection. Godzilla devient un catcheur cosmique, un super-héros improbable aux chorégraphies de baston parfois ridicules (ce dropkick volant dans Godzilla vs Megalon, on en parle ? 🥋). C’est l’ère du divertissement de masse, de la société du spectacle chère à Guy Debord. Le monstre n’est plus le symbole de la peur, il est le produit dérivé de cette peur, un jouet pour nous rassurer.

Cette transformation culmine avec son adoption par l’Occident. Et là, c’est le drame. On se souvient tous (avec une petite gêne) du Godzilla de Roland Emmerich en 1998. Un iguane sous stéroïdes qui se balade dans New York, plus proche de Jurassic Park que du mythe originel. Hollywood avait complètement lissé le propos, gardant la destruction mais virant toute la charge symbolique. Heureusement, le MonsterVerse de Legendary Pictures, lancé en 2014, a tenté de corriger le tir. Il a réinstallé Godzilla dans sa position de force de la nature, une sorte de divinité ancestrale dont l’existence même maintient un équilibre précaire. Le worldbuilding est solide, les combats sont titanesques, mais le message s’est encore déplacé : on est passé de la peur nucléaire à une sorte de fatalisme écologique. L’homme n’est plus le créateur du monstre, il est juste un insecte qui regarde les titans se mettre sur la tronche. 🌍

Greenzilla contre le Système 🌀

Et c’est là que le Japon a décidé de reprendre la main sur son icône. Et de quelle manière ! En 2016, Hideaki Anno (le papa d’Evangelion, rien que ça) et Shinji Higuchi livrent Shin Godzilla. Et là, mes amis, c’est la claque. Fini le monstre protecteur ou la force de la nature. Shin Godzilla est une satire féroce, un miroir à peine déformé de l’impuissance du gouvernement japonais face à la catastrophe de Fukushima. Le monstre, cette fois, est une abomination en constante évolution, grotesque et terrifiante. Mais le vrai monstre du film, c’est la bureaucratie. Les réunions interminables, les protocoles absurdes, les guerres d’ego entre ministères pendant que Tokyo se fait vitrifier… On est en plein dans ce que le philosophe Paul Virilio appelait la « dromocratie » : l’inertie du pouvoir face à la vitesse de la catastrophe. C’est brillant, anxiogène et follement intelligent. 🧠

Puis, en 2023, la consécration : Godzilla Minus One. Le film qui a tout compris. Il revient aux sources, juste après la guerre, mais avec une approche totalement nouvelle. Ici, Godzilla n’est plus seulement la métaphore de la bombe, il est celle du TSPT (Trouble de Stress Post-Traumatique) d’une nation entière. Le film se concentre sur une poignée de personnages brisés, hantés par la culpabilité du survivant. L’État est défaillant, absent. La solution ne viendra pas d’en haut, mais d’en bas. Des civils, des vétérans, des gens ordinaires qui décident de s’unir pour affronter leur démon collectif. C’est une œuvre sur la résilience, sur la nécessité de se reconstruire soi-même pour pouvoir affronter la ruine extérieure. Une vision profondément humaine et bouleversante. La boucle est bouclée, mais cette fois avec une lueur d’espoir. 🎭

Au fond, le parcours de Godzilla est fascinant car il est le nôtre. Il est ce que Donna Haraway inviterait à « vivre avec le trouble » (staying with the trouble). Il est cette catastrophe que l’on a nous-mêmes engendrée et avec laquelle il faut désormais cohabiter. Tour à tour menace nucléaire, catastrophe écologique, bug technologique ou symptôme d’un effondrement systémique, il est le symptôme de nos propres défaillances. Il est le colosse qui nous rappelle notre petitesse, le grondement qui met en lumière le silence assourdissant de notre inaction. Un hyperobjet, comme dirait Timothy Morton, trop vaste pour être totalement compris, mais dont la présence redéfinit tout notre paysage. Chaque époque a le Godzilla qu’elle mérite, et le nôtre est complexe, terrifiant et furieusement pertinent.


Godzilla, au final, c’est le rugissement ancestral de nos propres démons technologiques.


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Et vous, quel est votre Godzilla préféré ? Celui qui vous a fait trembler ou celui qui vous a fait marrer ? Balancez tout en commentaire et partagez l’article s’il vous a plu ! 👇

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