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Neoforest : Quand la Dystopie se Met au Vert

Dans un monde post-apocalyptique où la nature reprend ses droits, « Neoforest » nous balance dans un univers néo-féodal génétiquement modifié. Exit les clichés cyberpunk, on se retrouve dans une dystopie verdoyante où le comte Cocto règne sur sa citadelle pendant que sa fille Blanche fait des siennes dans la dangereuse Grande Forêt Centrale.

Pourquoi ce tome vaut le détour? Ce premier opus dépoussière le genre dystopique en fusionnant avec brio codes médiévaux et SF écologique, le tout servi par un dessin luxuriant qui nous happe dès les premières pages.

Un worldbuilding aux petits oignons

Fred Duval, ce petit malin aux 40 séries au compteur (oui, vous avez bien lu), nous concocte ici un univers qui déchire sa mère. Après le succès de « Renaissance », il se frotte au post-apo avec une approche qui sort carrément des sentiers battus. Fini le béton grisâtre et les mégalopoles surpeuplées à la « Blade Runner » – ici on est dans un délire néo-médiéval où les joutes se font… à vélo! La technologie et la nature s’entremêlent dans une danse malsaine qui rappelle les avertissements foucaldiens sur les dangers du bio-pouvoir. Les « élevages pour pièces détachées humaines » et les « hybrides hommes-cochons », ça vous parle comme concept flippant?

Cocto Citadelle a survécu aux désastres écologiques grâce à une maîtrise pointue de la génétique et des nouvelles technologies. Ambiance féodale 2.0: on y trouve des bagues connectées et des puces de localisation à côté de structures sociales totalement hiérarchisées qui sentent bon le Moyen Âge. Le saut technologique s’est paradoxalement accompagné d’une régression sociale – mindfuck sociologique qui évoque les paradoxes temporels chers à Ballard. L’effondrement a eu lieu (les collapsologues vont kiffer), et la société s’est reconstruite sur un modèle qui mélange high-tech et structures ancestrales.

La nature, cette badass qu’on sous-estime

Parlons-en de cette Grande Forêt Centrale! Une entité quasi-vivante qui n’est clairement pas là pour faire de la figuration. Les dessins de Philippe Scoffoni – avec sa palette dominée par les verts et les bruns – nous plongent dans une biomasse luxuriante et menaçante. Des orchidées tueuses qui déboîtent le guide de Blanche à la première inhalation, ça pose l’ambiance direct. C’est pas juste joli, c’est carrément une métaphore de la vengeance de Mère Nature face aux bidouillages génétiques des hommes.

Cette forêt omniprésente cache ses secrets comme un ado planque ses magazines douteux. Elle semble animée d’une volonté propre, comme si Gaïa elle-même avait décidé de reprendre le contrôle de la situation. La question qui plane (et qui vous grattera le cerveau): « La forêt ne veut-elle plus des hommes? » Cette dimension presque mystique de la nature recréée génétiquement nous ramène aux questionnements fondamentaux de l’éco-anxiété contemporaine. C’est du Thoreau sous acide, les gars!

Des personnages qui en ont sous le capot

Duval nous offre un trio de protagonistes qui déchire tout. D’abord, le comte Cocto, ce dirigeant blessé qui voit son pouvoir lui échapper alors qu’il attend dans une machine de régénération transgénique (la classe). Ensuite, sa fille Blanche, cette ado rebelle de 17 ans qui se barre en mode YOLO dans la forêt interdite. Et enfin Paul Greem, militant pro-nature et ancien garde forestier chargé de retrouver notre princesse aventurière.

C’est dans ce schéma tripartite que se noue l’intrigue politique. Le comte, sentant le complot venir, confie temporairement le pouvoir à son frère pendant sa convalescence – grave erreur potentielle. Pendant ce temps, Blanche ignore totalement qu’elle est au centre d’une machination qui vise à renverser l’ordre établi. Les dynamiques familiales tordues à la « Game of Thrones » se mêlent aux questionnements écologiques, créant un cocktail narratif explosif qui fait penser aux meilleurs romans de Kim Stanley Robinson (si, si, je vous jure).

Les plot twists qui nous font saliver pour la suite

Alors que ce premier tome pose les bases d’un univers riche et complexe, les intrigues se tissent comme une toile d’araignée géante. On sent que l’histoire va basculer d’une seconde à l’autre, que la citadelle va se prendre une grosse bastos narrative dans le second tome. Les « Hommes ont par le passé généré des abominations qui parfois reviennent des ténèbres sans prévenir » – cette phrase balance une tension de ouf qui nous tient en haleine.

La structure narrative nous laisse sur des cliffhangers savamment orchestrés. Blanche est en danger mortel dans cette forêt hostile. Le complot pour renverser le comte prend forme dans l’ombre. Les questions sur la nature recréée génétiquement restent suspendues. Et surtout, on se demande comment Paul Greem, ce militant écolo, va naviguer entre ses convictions et sa mission de sauvetage. Ce premier tome est clairement un appât narratif qui nous donne la dalle pour la suite prévue en 2024 – sérieux, c’est cruel de nous faire poireauter comme ça!

Les thèmes sociétaux actuels (urgence écologique, génétique, quête d’identité, alimentation, lutte pour le pouvoir) s’entremêlent avec une subtilité qui fait plaisir à voir dans un médium parfois sous-estimé. C’est de la SF sociale qui assume ses ambitions philosophiques sans jamais devenir lourdingue ou didactique. Du grand art, les copains.

Une dystopie qui fait du bien où ça fait mal

Les cases de Scoffoni sont un régal pour les mirettes. Sa palette de couleurs, dominée par les verts et les bruns, nous plonge dans cette forêt inquiétante avec un réalisme qui pique. Fini les univers post-apo grisâtres – ici c’est la chlorophylle qui domine, et ça change tout! Les décors richement détaillés nous rappellent que la nature recèle bien plus de complexité qu’une ville cyberpunk lambda. Chaque planche transpire une ambiance singulière qui nous colle aux basques longtemps après avoir refermé l’album.

Cette fusion entre codes médiévaux et SF crée une dissonance cognitive jubilatoire. Les joutes à vélo côtoient les cuves de régénération phénix. Les intrigues de palais se mêlent aux préoccupations énergétiques contemporaines (autonomie en énergie, conversion vers le solaire). C’est comme si Tolkien et Philip K. Dick avaient eu un enfant illégitime élevé par Ursula K. Le Guinun délire narratif qui fonctionne étonnamment bien.

Une dystopie coup de poing qui gratte là où ça fait mal, et laisse des traces. Vivement la suite!

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Alors, ce premier tome vous a-t-il convaincu? Partagez votre avis dans les commentaires et n’hésitez pas à nous suggérer d’autres dystopies BD qui méritent le détour!

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