The Walking Dead vs The Last Of Us
Dans l’univers impitoyable des séries post-apocalyptiques, deux mastodontes se tirent la bourre : d’un côté, la vénérable saga The Walking Dead avec ses onze saisons de cavale sous tension zombie, de l’autre, la petite nouvelle bourrée d’ambition The Last of Us, adaptation acclamée du jeu vidéo culte.
Pourquoi s’y intéresser ? Parce que ces deux œuvres transcendent le simple divertissement gore pour nous balancer à la tronche des questions existentielles sur notre humanité quand tout part en sucette.
Survival horror : deux écoles, même cauchemar
Commençons par le commencement, le worldbuilding qui pose les bases de ces deux univers parallèles mais pas si éloignés. The Walking Dead, développée à l’origine par le talentueux Frank Darabont (oui, celui des adaptations de Stephen King comme Les Évadés et La Ligne verte), s’est imposée comme la série zombie de référence pendant plus d’une décennie. Tirée des comics de Robert Kirkman, elle nous a servi un road trip post-apo de 177 épisodes, un marathon de la survie où les personnages tombent comme des mouches (parfois quand on s’y attend le moins, les scénaristes sont des sadiques).
De l’autre côté du ring, The Last of Us débarque en 2023 avec ses gros sabots HBO et son pedigree de jeu vidéo adulé. La série est co-créée par Neil Druckmann (le papa du jeu) et Craig Mazin (celui qui nous avait déjà foutu les jetons avec Chernobyl). L’approche est plus cinématographique, plus léchée, avec un budget qui fait pâlir la première saison de TWD. Résultat ? Une série qui cartonne d’emblée avec 4,7 millions de viewers pour le pilote, le deuxième meilleur démarrage pour HBO depuis 2010.
La différence fondamentale ? TWD est un marathon épuisant qui s’étire sur des années, tandis que TLOU est un sprint narratif concentré qui ne perd jamais de vue sa destination. L’un est une fresque chorale tentaculaire, l’autre un duo-movie tendu comme un arc.
Character building : la psychologie sous les décombres
Le nerf de la guerre dans ces séries, c’est pas tant les zombies que les vivants. Dans The Walking Dead, on suit principalement Rick Grimes (Andrew Lincoln), un flic qui passe du statut de boy-scout à celui de badass tourmenté après avoir traversé l’enfer. La série nous offre une galerie de personnages dont on observe la transformation psychologique au fil des saisons. La mort de Lori, sa femme, est d’ailleurs l’élément déclencheur de sa chute psychologique, nous rappelant que dans ce monde, les traumatismes s’accumulent et vous changent irrémédiablement.
Dans The Last of Us, le duo Joel–Ellie (Pedro Pascal et Bella Ramsey) forme l’ossature émotionnelle de la série. Leur relation père-fille de substitution, construite sur les cendres de leurs traumatismes respectifs, donne à la série sa dimension profondément humaine. Le tour de force de TLOU, c’est de réussir en quelques épisodes ce que TWD a mis des saisons à construire : nous faire pleurer comme des madeleines devant l’attachement entre deux êtres dans un monde qui ne pardonne rien.
Mention spéciale pour l’épisode 3 de TLOU, réalisé par Peter Hoar, centré sur Bill et Frank, un véritable uppercut émotionnel qui a fait pleurer même les gamers les plus endurcis. On est loin, très loin du pur survival-horror.
Philosophie zombie : miroir de nos angoisses contemporaines
Parlons philosophie, car derrière les tripes et le gore se cachent des questions profondes. The Walking Dead a toujours été une série sur la moralité fluctuante et la condition humaine plus que sur les zombies eux-mêmes. Comme le souligne très justement un article de France Culture, « l’homme ne se contente pas d’être vivant, il veut bien vivre, au sens esthétique comme au sens moral du terme ». C’est exactement ce que nous montre TWD : comment maintenir son humanité quand les règles de la civilisation s’effondrent ?
La série oscille constamment entre utilitarisme brutal (tuer pour survivre) et impératif kantien (rester humain malgré tout). Le personnage de Rick incarne ce dilemme : jusqu’où peut-on aller pour protéger les siens sans devenir un monstre ? La question nous renvoie directement à la philosophie de Thomas Hobbes et son état de nature où l’homme redevient un loup pour l’homme.
The Last of Us pousse le bouchon encore plus loin avec sa saison 2, en cours de diffusion, qui explore les mécanismes de vengeance et la spirale de violence. La série pose une question vertigineuse : la survie de l’espèce justifie-t-elle le sacrifice d’un individu ? On flirte ici avec l’utilitarisme de John Stuart Mill poussé à son paroxysme, mais aussi avec la notion nietzschéenne de dépassement et de volonté de puissance.
La réalisation : quand le style raconte l’histoire
Côté mise en scène, on joue dans deux catégories différentes mais complémentaires. The Walking Dead a démarré avec Frank Darabont aux commandes, apportant une esthétique cinématographique avant d’évoluer vers une approche plus télévisuelle après son départ. La succession de showrunners (Glen Mazzara, Scott M. Gimple et Angela Kang) a donné à la série différentes saveurs au fil des saisons, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.
En face, The Last of Us bénéficie de moyens colossaux et d’une direction artistique ultra-léchée qui rend hommage au matériau source tout en lui donnant une nouvelle dimension. Chaque réalisateur apporte sa touche : Craig Mazin pour poser les bases de la saison 2, Mark Mylod (vétéran de Game of Thrones et Succession) pour apporter sa maîtrise des intrigues complexes, et le retour de Peter Hoar, celui qui nous avait déjà fait chialer avec l’épisode de Bill et Frank.
La différence de format est aussi révélatrice : TWD avec ses épisodes de 42 minutes formatés pour la télé, TLOU avec ses épisodes premium HBO allant jusqu’à 81 minutes. C’est la différence entre un marathon et un triathlon artistique.
Verdict : qui remporte la battle de l’apocalypse ?
Difficile de déclarer un vainqueur tant ces deux séries abordent l’apocalypse zombie sous des angles complémentaires. The Walking Dead reste la série pionnière, celle qui a démocratisé le zombie à la télévision et exploré pendant 11 saisons les méandres de la survie à long terme. Sa force réside dans sa capacité à réinventer constamment les menaces et à nous montrer l’évolution sociétale post-apocalyptique.
The Last of Us apporte une fraîcheur narrative et une qualité de production qui élève le genre à un niveau inédit. Son approche plus intime et contrôlée lui permet d’éviter les longueurs qui ont parfois plombé TWD. C’est la différence entre un roman-fleuve et une nouvelle parfaitement ciselée.
Alors plutôt que de les opposer, voyons-les comme les deux faces d’une même pièce : l’exploration de notre humanité quand tout s’effondre. TWD nous montre ce que devient une société après l’apocalypse, tandis que TLOU se concentre sur ce que devient une relation humaine dans ces mêmes conditions.
The final cut
Ces deux séries sont les témoins d’une évolution du récit post-apocalyptique : de l’horreur survivaliste à la fable existentielle, elles dévoilent nos peurs contemporaines tout en célébrant notre résilience. Une traversée du désespoir qui paradoxalement nous rappelle pourquoi la vie vaut la peine d’être vécue.
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Et vous, team zombies décérébrés ou team infectés fongiques ? Lâchez vos comms ci-dessous et partagez votre théorie sur la fin idéale pour ces deux univers !