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Dorohedoro : trip gore et vertige liquide dans la ville-chaos de Bauman

Dorohedoro, c’est d’abord une baffe visuelle. Q Hayashida t’embarque dans Hole, une ville qui n’a rien d’un décor de fond : c’est un organisme malade, un labyrinthe urbain où la crasse et la magie pourrissent tout sur leur passage. Ici, pas de skyline néonisée à la Cyberpunk 2077.

Bienvenue à Hole : l’urbanité en mode chaos organique

Dorohedoro, c’est d’abord une baffe visuelle. Q Hayashida t’embarque dans Hole, une ville qui n’a rien d’un décor de fond : c’est un organisme malade, un labyrinthe urbain où la crasse et la magie pourrissent tout sur leur passage. Ici, pas de skyline néonisée à la Cyberpunk 2077, mais des ruelles glauques, des immeubles déglingués, des marchés où la bidoche côtoie les restes humains, le tout sur fond de pluie toxique et de magie noire. On est loin du Japon aseptisé. Q Hayashida, elle, te balance direct dans la fosse, sans notice ni GPS, et c’est tant mieux : tu sens la ville, tu la respires, tu la subis.

Dans ce chaos, deux mondes s’affrontent : les habitants de Hole, cobayes mutilés, et les mages, visiteurs arrogants qui balancent leur magie comme d’autres jettent leurs déchets. Résultat ? Un monde où la mutation est la norme, où l’identité est un puzzle éclaté, et où la violence n’est pas un accident mais une routine quotidienne.


Liquide, informe, instable : Bauman dans les entrailles de Q Hayashida

Si tu connais un peu Zygmunt Bauman, tu vois où je veux en venir. Le sociologue polonais cause de « société liquide » pour désigner notre époque : plus rien n’est stable, tout glisse, tout se dissout. Les valeurs, les repères, les identités ? Liquéfiés. Dans Dorohedoro, c’est exactement ça : Hole, c’est la métaphore ultime du monde selon Bauman. Rien n’est figé, tout tremble, tout se transforme, souvent dans la douleur et le gore.

La magie des mages, c’est le symbole parfait de cette liquidité : elle modifie les corps, efface les frontières entre humain, animal, monstre. Le passé de Caïman ? Dissous, à reconstruire morceau par morceau. Les relations ? Instables, mouvantes, parfois toxiques, parfois vitales. Ici, la quête de sens, c’est galérer dans la boue, la sueur et le sang, sans jamais être sûr de trouver une réponse.

Bauman ne dit pas que la liquidité est fondamentalement mauvaise. Il invite à penser cette instabilité, à voir ce qu’on peut en faire. Mais chez Hayashida, cette liquidité, c’est surtout l’expérience du déracinement : plus d’ancrage, plus de certitude, juste la survie, l’improvisation, et la violence comme horizon.


Corps mutés, identités floutées : vers une posthumanité crade

Dorohedoro, c’est du posthumanisme à la sauce trash. Les corps sont des terrains d’expérimentation, des champs de bataille, des puzzles à recoller. Caïman, avec sa tête de lézard et son colocataire dans la gorge, c’est le mutant post-humain par excellence : ni homme, ni bête, ni machine, mais un peu tout à la fois. Les mages, eux, jonglent avec les mutations comme avec des gadgets, incarnant cette idée posthumaniste où la frontière humain/non-humain devient floue, poreuse, inquiétante.

Le posthumanisme, c’est justement cette remise en question de l’humain comme centre du monde, cette ouverture à l’hybride, au mutant, au cyborg. Chez Hayashida, pas de grand discours techno-optimiste : ici, la mutation, c’est la galère, la douleur, la perte de repères. Mais c’est aussi, parfois, une force, une adaptation, une survie dans le chaos.


Magie, violence et absurdité : l’anti-shonen qui pense le monde

Oublie les shonen classiques où le héros progresse à coups de power-up et d’amitié magique. Dorohedoro, c’est l’anti-shonen par excellence : la violence est absurde, souvent gratuite, l’humour noir dégouline à chaque page, et la quête de sens se fait à coups de hachoir. L’amitié entre Caïman et Nikaido, c’est un des rares phares dans la purée de pois, mais même là, la confiance est fragile, menacée par les secrets et les trahisons.

Ce mélange d’ultra-violence, de grotesque et d’absurde, c’est la marque de fabrique de Hayashida. Ça te fait marrer, ça te choque, mais surtout, ça te force à regarder le monde autrement : et si tout ça, c’était notre propre société, version déformée, amplifiée, mais pas si éloignée ? Si la magie, c’était nos technos, nos réseaux, nos mutations sociales ? Si Hole, c’était la métropole postmoderne, liquide, où chacun cherche sa place sans jamais la trouver ?


Dorohedoro ou le spleen dystopique des sociétés sans racines

Au fond, Dorohedoro, c’est le spleen des déracinés. Les persos errent, cherchent un sens, une origine, une identité, mais tout leur échappe, tout se dérobe. Comme dans Blame! de Tsutomu Nihei, où la ville s’étend à l’infini et dévore ses habitants, ou dans Ergo Proxy, où l’humain n’est plus qu’un rouage dans une machine post-humaine, Hayashida met en scène la perte de repères, la solitude, la précarité existentielle.

La ville-chaos de Dorohedoro, c’est notre monde poussé à l’extrême : hyper-connecté mais ultra-fragmenté, violent mais absurde, plein de possibles mais sans direction. Un monde où la seule certitude, c’est le changement, la mutation, la nécessité de s’adapter – ou de crever.

🎯 Dans Dorohedoro, ce n’est pas l’humain qui perd la tête. C’est le monde qui part en vrille, se liquéfie, se contorsionne, jusqu’à devenir méconnaissable. Un trip gore, mutant, post-humain, où la seule boussole, c’est l’amitié… ou le prochain gyoza. Alors, prêt à plonger dans la soupe urbaine ? Attention, ici, même la réalité n’a plus de forme.


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